C’est en 1980 que Vinicius de Moraes (1913-1979, Brésil) qui m’était un ami très cher, a quitté notre étrange planète. Vinicius à chacun de ses passages à Paris ne manquait jamais de venir achever la traversée de la nuit parmi nous, sous les poutres du Club des Poètes, avec quelques-uns de ses amis brésiliens: le guitariste fameux Baden-Powell, la talentueuse et « fauve » chanteuse Maria Bethana, Toquinho… Cas à peu près unique dans le contexte poétique du XXème siècle, Vinicius cumulait les cordes d’un arc toujours tendu aux couleurs de la poésie : musicien remarquable, compositeur de thèmes musicaux très représentatifs de l’allégresse et des couleurs chatoyantes de son pays, Vinicius chantait souvent et fort bien certains de ses poèmes qu’il avait mis en musique qu’il avait d’ailleurs, guitare en main et poèmes aux lèvres, effectué des tournées et des spectacles sur toutes les scènes du monde, des USA à la Russie en passant bien sûr par Paris auquel il accordait une priorité qu’il proclamait hautement. Par ailleurs, Vinicius dont la musique et les rythmes avaient fait danser la jeunesse du monde entier était aussi (qui m’empêcherait de l’écrire?) et surtout, un poète de dimension internationale qui avec une richesse d’imagination « inouïe » et une délicatesse peu commune fit passer avec désinvolture la poésie « contemporaine » de l’humour noir cher à André Breton et à ses amis surréalistes, à l’humour multicolore. Pour autant, Vinicius n’était pas de loin absent des luttes en cours et quelques-uns de ses poèmes engagés comptent parmi les meilleurs.
Jean-Pierre Rosnay