Il n’y a qu’un homme et une femme assis sur un talus
ou sur un tronc d’arbre
qui puissent comprendre ça
parce que tout ce qui est essentiel
ne peut se comprendre qu’à deux
on a mis nos chaussures chacun
sur un plateau de la balance
naturellement les siennes étaient plus légères
tout s’est passé comme prévu au terme de quelques secondes
les deux plateaux de la balance se sont stabilisés sur le même niveau
alors nous avons ri comme des cabris
nous avons jeté nos vétements au sol et
nous sommes partis dans la nuit
vêtus d’utopie et de légende
l’espoir et notre amour bouillaient au fil de nos veines
Nous avons traversé des villes des plages des cimetières des mers
des idées à peine ébauchées
Nous avons fait des enfants
nous les portions tour à tour dans nos bras
une fois j’étais le père
je cassais du bois pour le feu une fois j’étais la mère
et je brassais la soupe
elle ma rose du désert c’était pareillement
lorsque nous sommes arrivés
l’un devant la sépulture de l’autre
ce fut un déchirement mais le vivant avait en lui la part
de l’autre et les autres s’en rendaient compte
Le mort préparait le trousseau de l’autre
lui dressait son lit de brume tiède
l’homme et la femme sont éternelle attente l’un de l’autre
Tous les ruisseaux le disent
Jean-Pierre Rosnay
via Ca, Poeme d'amour de Jean-Pierre Rosnay, Club des Poetes.