Jetez-vous sur l’avenir
Au vol,
comme l’indien
sur les reins du cheval sauvage
Et n’en cherchez pas davantage
Prenez votre monture au col
foncez
Avalez le temps avant qu’il ne vous avale
Frappez des deux talons les flancs de la cavale
Yeux fermés
Cheveux au vent
Lèvres entrouvertes
Courez courez à votre perte
Allez au-devant du temps
Faites voler en éclats
horizon et raisonnements
Tout ce qui est inerte ment
Prenez les devants
Bousculez Dieu comme une idée reçue
Ruez-vous sur l’avenir avant
que les vers ne vous mangent Pressez votre coeur
comme on presse une éponge
Faites-lui rendre tous les prénoms
Tous les instantanés d’amour
Tous les rêves inassouvis
Qu’il a stockés
Dans ses greniers
Sur cette plage
Cette photographie
Cette barque
Ton sourire
Le premier de nos enfants
Le second
Sable mer vent Qui parle ?
Taisez-vous
Laissez-moi seul
Avec ces bruits de pas dans le cimetière
Il est tard
Dire qu’il sera toujours trop tard
La grande nuit morte monte et persiste
Jetez-vous sur l’avenir
Ou par la fenêtre
Allez
ne vous retournez pas
Laissez les autres suivre votre enterrement
mais ne soyez pas du cortège
Opposez n’importe quoi à l’inertie
ne fût-ce qu’une plume ou un flocon de neige
Et que celui qui possède encore des yeux
Les ferme
Avant que le flocon
ne fonde sous ses regards impuissants.
Jean-Pierre Rosnay
Jean-Pierre dit le poème