Comme un bateau prend la mer

Jean-Pierre Rosnat, sur le quai de Camaret sur mer

Je ne veux rien savoir
Rien écouter et rien entendre
J’élude le blanc et le noir
Et j’ignore le vert le plus tendre
Je ne veux ce soir rien comprendre
Mais te voir te boire et te prendre
Je te prendrai comme un bateau prend la mer
Je briserai les vagues
Je te prendrai comme un oiseau fend l’air
Je te prendrai comme on plante une dague
Je te prendrai Comme un clochard arrache la monnaie au fond de sa sébile
Et comme mille avions bombardant une ville
Je te prendrai comme on puise à la source
Et comme le voleur dans le sang prend la bourse
Je te prendrai
Comme le jour qui balbutie entrouvre à demi la paupiére
Comme un moine dans sa priére
Comme un voyou lançant sa pierre
Je te prendrai comme on pend la sorcière
Je te prendrai comme on peindrait sa mére
Je te prendrai dans le coeur de ma main
Comme un enfant comptant ses billes
Ou peut-être au creux d’un chemin
Comme un garçon et une fille
Dans les senteurs du romarin
Je te prendrai mon doux chagrin

Jean-Pierre Rosnay,

(Comme un bateau prend la mer édition Gallimard)

Voir « Les Poémiens » interpréter ce poème ».


Source : Comme un bateau prend la mer