C’est au début des années 70, alors qu’il était tout jeune chanteur, déjà inclassable et atypique, qu’Hubert-Félix Thiéfaine alla rencontrer Jean-Pierre Rosnay au Club des Poètes. Jean-Pierre, bien qu’il traça toujours une ligne de démarcation assez nette entre la poésie et la chanson, fut séduit par la liberté de ton du jeune homme, et par sa manière, si personnelle, de charger ses mots d’une poésie à haute tension.
Les poutres multiséculaires du Club des Poètes résonnèrent donc de cris étranges :
« Non, je ne suis pas l’amant de Madame Muller ! »
« J’arriverai par l’ascenseur de 22 heures 43″
qui se mêlèrent sans dommages aux litanies de Baudelaire, aux élégie d’Aragon, et aux psaumes de Paul Claudel.
A cette époque, celui qui jamais ne fut l’amant de Madame Muller, habitait dans une chambre que Jean-Pierre et Marcelle mettaient à sa disposition, dans le même immeuble que celui où ils vivaient. Par la suite, lorsqu’Hubert-Félix devint le chanteur célèbre, mais toujours aussi atypique et inclassable, qu’il est, il eût l’élégance de toujours envoyer des invitations à Jean-Pierre et Marcelle chaque fois qu’il se produisait sur une scène parisienne, invitations qu’ils ne purent honorer, à leurs grand regrets, car les spectacles du Club des Poètes se déroulaient aux mêmes horaires !